Retraites : la promesse de Macron est-elle intenable ?


Retraites : la promesse de Macron est-elle intenable ?:

Le président de la République s’est engagé à ce que les pensions ne baissent pas. Mais, en même temps, il a aussi promis de ne pas relever l’âge légal de départ en retraite « qui restera fixé à 62 ans »…

C’est l’histoire d’un colonel qui a épousé une femme ennuyeuse dont il divorce au bout de deux ans, puis vit avec une femme qu’il adore pendant trente ans sans se marier. À son décès, ô stupeur, la première femme touche la totalité de la pension de réversion tandis que la seconde n’a droit à rien… Une anecdote que Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire à la réforme des retraites, aime raconter pour illustrer la nécessité de la réforme qui se prépare.

Le moment est donc bel et bien arrivé de réformer le « machin » devenu illisible.

C’est entendu, le système actuel de retraites est à bout de souffle. D’une part, parce qu’avec 42 régimes différents, il a les coûts de gestion parmi les plus élevés d’Europe. D’autre part, parce que construit sur la logique corporatiste de l’après-guerre, il est inadapté au monde actuel qui contraint à changer souvent d’entreprise et de métier. Le moment est donc bel et bien arrivé de réformer le «machin» devenu illisible. Les Français le comprennent. Et jusqu’ici le projet d’Emmanuel Macron, basé sur la promesse «d’un euro cotisé donnant les mêmes droits pour tous», bénéficiait d’un a priori favorable tant il est difficile de s’opposer à une réforme entendant apporter plus de transparence, de lisibilité et de justice dans un système que chacun s’accorde à reconnaître inégalitaire et opaque.

Mais l’inquiétude est brusquement montée en flèche ces derniers jours, avec l’irruption dans le débat de la possible suppression dans la réforme à venir des pensions de réversion. Ce dispositif, qui coûte 36 milliards d’euros par an, permet aux veufs et veuves de toucher une partie de la retraite de leur conjoint décédé. Si Jean-Paul Delevoye démine le terrain en assurant ne pas vouloir les rayer de la carte, il réfléchit bel et bien à une remise à plat des règles, au nom de la nécessaire harmonisation entre les 42 régimes actuels.

Double front

L’inquiétude est d’autant plus forte que l’ancien ministre de Jacques Chirac a, dans le même temps, ouvert un autre front sensible, celui des droits familiaux: ce sont eux qui permettent par exemple aux femmes de gagner 8 trimestres de cotisation retraite par enfant dans le privé, ou aux parents de 3 enfants et plus de bénéficier d’une majoration de la pension de base de 10 %, etc. Ces droits ont été créés initialement pour compenser le fait qu’un enfant est un coût, limitant de fait la capacité des parents d’épargner pour leur retraite future. Malgré l’habileté de Jean-Paul Delevoye et sa méthode de concertation souvent louée, ce double front a semé le doute.

Un doute alimenté par deux autres inquiétudes de taille. D’une part, les différentes professions découvrent les unes après les autres soit qu’elles cotisent moins que d’autres, ou sur une assiette réduite, ou les deux. C’est en particulier le cas des indépendants et professions libérales, dont certaines cotisent autour de 15 % (contre 28 % pour les salariés du privé) mais peuvent néanmoins s’assurer une retraite correcte, car la démographie de leur profession est dynamique. Les aligner sur le taux de cotisation des salariés dans un régime unifié serait bien évidemment insoutenable.

D’autre part, Emmanuel Macron avait affirmé qu’il n’avait pas besoin de réforme «paramétrique», car l’équilibre financier du système était assuré. Or, si le déficit des retraites, très creusé en 2010, s’est résorbé pour arriver quasiment à l’équilibre en 2017, il va rapidement repartir à la hausse et sera particulièrement important au début des années 2030, a rappelé le Conseil d’orientation des retraites (COR) dans son rapport annuel publié la semaine dernière. Et ce, en l’absence de toute crise économique, à l’image de celle de 2008, d’ici là…

Double promesse qui paraît intenable

Au final, la réforme «systémique» promise par Emmanuel Macron sera-t-elle suffisante? Le Chef de l’État s’est engagé à ce que les pensions ne baissent pas. Mais, en même temps, il a aussi promis de ne pas relever l’âge légal de départ en retraite «qui restera fixé à 62 ans». Une double promesse qui paraît intenable quand on sait que les Français disposent de la plus longue durée de retraite de tous les pays européens, partent en moyenne 5 ans plus tôt et bénéficient d’un taux de remplacement supérieur à la moyenne de l’OCDE. «On ne pourra pas rester dans l’évitement habile du vrai sujet: la nécessité d’augmenter l’âge de départ, demander aux gens de travailler plus longtemps. Ce n’est pas facile, mais tous les autres pays autour de nous l’ont fait», conclut Éric Woerth, artisan de la réforme de 2010.

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