Général de Saint-Quentin : «Le brouillard de la guerre revient»


Général de Saint-Quentin : «Le brouillard de la guerre revient»:

Le bras droit du chef d’état-major des armées était l’invité du « Talk stratégique ».

Le général Grégoire de Saint-Quentin, sous-chef opérations à l’état-major des armées, était jeudi l’invité du «Talk stratégique Le Figaro». Son interview est à retrouver sur lefigaro.fr

Le Figaro. – À quoi ressemble la guerre aujourd’hui?

Général de Saint-Quentin. – Nous entrons dans une nouvelle phase stratégique, génératrice de plus d’incertitudes. Le brouillard de la guerre revient, il faut tenter de l’éclaircir.

Que signifie ce «brouillard de la guerre» pour les opérations que nous menons?

Ce nouveau contexte a pour conséquence une extension dans quatre domaines. Premièrement, une extension géographique: nous agissons dans des zones grises de plus en plus vastes. Le Kosovo, où l’Otan est intervenue, représentait deux départements français. Au Sahel, notre action s’étend sur cinq pays, avec des conséquences importantes en termes de logistique, d’empreinte au sol et de coût. Deuxièmement, une extension dans le temps. Les conflits durent et nous mettons plus temps à les résoudre. La guerre en Afghanistan dure depuis seize ans, à comparer avec la durée de la Seconde Guerre mondiale. Troisièmement, on constate une forte amplitude dans l’intensité des oppositions: les confrontations peuvent être asymétriques, avec peu de violence, ou nécessiter un niveau très élevé de protection de nos forces dans un environnement contesté par des armées modernes. La quatrième extension concerne nos leviers. Pour vaincre, les moyens militaires ne suffisent plus. Il faut faire revenir l’administration et le développement.

«En dépit de la mondialisation du terrorisme, les réalités locales demeurent toutes différentes»

Qui est l’ennemi?

Aujourd’hui, les seuls ennemis déclarés sont les groupes terroristes que nous affrontons au Levant et au Sahel. Avec des variations, c’est un ennemi asymétrique, qui, pour compenser sa faiblesse technologique, se dissimule dans la population en s’affranchissant des lois de la guerre. Tout notre défi consiste à le détecter et à le surprendre avant qu’il ne frappe.

Dans le même temps, les menaces étatiques s’accroissent…

On constate de nouvelles stratégies d’affirmation. Nos forces peuvent se retrouver dans un environnement contesté par des menaces symétriques, d’un même niveau technologique. Nous dénier l’accès à une zone, sur terre, sur mer ou dans les airs peut avoir des conséquences sur notre sécurité ou notre prospérité. Cela nécessite un niveau de vigilance accru et une capacité plus forte à réagir, à encaisser des chocs et à relever le défi du rapport de force. Il faut des capacités crédibles.

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Comment mène-t-on les opérations?

En dépit de la mondialisation du terrorisme, les réalités locales demeurent toutes différentes. C’est le cas en Afghanistan, au Sahel et au Levant. Il faut à chaque fois tailler des forces ad hoc en fonction des conditions locales et des partenaires avec lesquels nous agissons. Car on ne mène pas ces guerres seuls. Au Mali, nous coopérons avec l‘armée malienne, la Minusma, les forces conjointes du G5-Sahel. C’est le succès de l’ensemble qui permettra de sortir de la crise. Nos forces sont comme une boîte à outils. On puise dans différentes composantes – terre, air, mer, forces spéciales, cyber – pour fédérer leurs effets. C’est le rôle du commandement et de la conduite des opérations (le C2 dans notre jargon). Au Sahel, nous faisons converger l’action des forces spéciales et celles de «Barkhane» avec des objectifs et des missions complémentaires. Nous tirons parti des forces de chacune: réactivité et fulgurance pour les unes, endurance et permanence pour les autres

Et la guerre demain?

Cela dépendra beaucoup de l’ennemi à qui nous serons confrontés. Nous sommes dans une période de profond changement et celui-ci s’accélère. Nous aurons des pics d’instabilité et de violence qu’il faudra maitriser. Pour cela, nous disposons d’outils dont il faudra faire évoluer l’emploi, en ayant une intégration toujours plus fine de leurs effets. Et il faudra jouer sur tous les leviers: diplomatiques, économiques, militaires, informationnels…

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