Intelligence artificielle : quand des robots décryptent le discours des banques centrales


Intelligence artificielle : quand des robots décryptent le discours des banques centrales:

De plus en plus, les investisseurs font appel à des algorithmes pour analyser les discours et déclarations des banquiers centraux. Objectif : déceler le message qui se cache dans des communications parfois très alambiquées, et déterminer ainsi la meilleure stratégie.

Par Guillaume Benoit

Publié le 28/06 à 07h02

« Si vous avez compris ce que je viens de dire, c’est que je me suis probablement mal exprimé », avait coutume de répéter Alan Greenspan. Le président de la Réserve fédérale de 1987 à 2006 aimait particulièrement brouiller les
pistes dans ses déclarations de politique monétaire. Une stratégie qui serait beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre aujourd’hui.

Depuis que la
communication est devenue, en tant que telle, un outil de politique monétaire, les investisseurs scrutent chaque virgule des communiqués, déclarations,
et discours des banquiers centraux pour essayer de déterminer au plus juste les inflexions de leur action.
Dans cet exercice souvent complexe , ils peuvent désormais compter sur de nouveaux alliés : des algorithmes
capables d’effectuer en moins d’une seconde une analyse du langage et de la tonalité globale du discours.

Indice de sentiment

Les équipes de recherches de Natixis ont ainsi développé un indice de « sentiment », qui traduit l’évolution dans le temps du caractère optimiste ou pessimiste des déclarations de la Banque centrale européenne. Son élaboration repose un
algorithme qui étudie les déclarations liminaires du président de la BCE lors des réunions de politique monétaire, et les discours des membres du directoire. Il les compare à une base qui reprend tous ces textes depuis la création de la BCE.

« Cet outil évalue un large éventail de mots en fonction d’un sentiment positif ou négatif exprimé, explique Dirk Schumacher chez Natixis. Les notes vont de -4 (extrêmement négatif) à +4 (extrêmement positif). A titre d’exemple, le mot ‘horrible’ est crédité d’une note de sentiment de -2,5. » D’autres règles mesurent l’importance du terme employé en fonction du reste de la phrase. Natixis a comparé
le ton particulièrement volontaire de Mario Draghi , le président de la BCE, à Sintra, avec son indice de sentiment,
et en a déduit qu’on pouvait raisonnablement s’attendre à une baisse de 10 points de base du taux de dépôt de la banque centrale lors de la réunion de septembre.

Quelques millisecondes

D’autres outils encore plus développés promettent de déterminer directement l’impact d’un discours sur les marchés. Bloomberg cite ainsi l’algorithme conçu par Prattle Analytics, qui peut lire les minutes – le compte rendu des réunions de politiques
monétaires – de la Fed et produire un rapport en quelques millisecondes. Il peut ainsi prévoir un mouvement de taux avec une réussite de 9,7 sur 10, selon son concepteur. Ce dernier vante aussi le fait qu’un algorithme n’a pas les biais qui peuvent
fausser une analyse humaine.

De quoi remplacer les analystes et autres spécialistes des banques centrales ? « Nous ne pouvons pas nous abstenir d’interpréter nous-mêmes les communiqués, tempère Dirk Schumacher. Les possibilités offertes par les algorithmes d’extraction de texte présentent – encore pour le moment – des limites claires. » Ainsi, l’ironie est difficilement décelable par les machines. Certaines formulations, susceptibles de multiples interprétations, devraient conserver leur part de mystère. Comme ce « through the summer » qui désignait, il y a encore
quelques mois, la période qui précéderait une éventuelle première hausse des taux de la BCE. Mario Draghi a toujours refusé de dire si elle signifiait « pendant » ou « après » l’été.

Guillaume Benoit

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