Le Figaro Premium – Notre-Dame de Paris: une structure en pierre calcaire, fragilisée par le feu et l’eau


Le Figaro Premium – Notre-Dame de Paris: une structure en pierre calcaire, fragilisée par le feu et l’eau:

L’incendie de Notre-Dame de Paris a complètement détruit la toiture de la Cathédrale. Des études précises devront être menées pour mesurer l’impact du choc thermique sur la pierre et les mortiers.

Bien que sévèrement touchée, la «vieille dame» ne s’écroulera pas. Mais il est certain que l’incendie qui s’est déclaré lundi soir dans les combles de la cathédrale Notre-Dame a causé d’importants dommages. Toiture, charpente et flèche ne sont plus que poussière. Qu’en est-il de la structure en pierre, qui a supporté une chaleur extrême pendant des heures?

«Les maçonneries sont réalisées en pierre de taille, du calcaire lutétien, et le liant est un mortier de chaux. Ce sont des matériaux qui n’aiment pas la chaleur», souligne Clément Salviani, chargé d’études et de recherche à l’Institut national d’histoire de l’art. «Le calcaire lutétien est une pierre fragile, sensible au feu et à l’eau», opine Arnaud Timbert, historien de l’architecture à l’université de Picardie.

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Le feu entraîne une cascade d’événements. Sous l’effet de la chaleur, l’eau s’échappe de la pierre et le calcaire se transforme en une poudre blanche, la chaux. «Cette réaction peut pénétrer profondément dans les maçonneries des voûtes si le feu est alimenté longtemps en superficie», détaille Clément Salviani. S’ajoute à cela un phénomène de dilatation (les matériaux se déforment sous l’effet de la chaleur). Par ailleurs, « l’eau emprisonnée dans les pierres se condense et la pression induite par la vapeur fait éclater le minéral», explique Anthony Collin, enseignant chercheur au laboratoire énergie et mécanique théorique et appliquée à l’université de Lorraine/CNRS. Il faut donc s’attendre à ce que des pierres soient fissurées. En outre, le plomb qui recouvrait une bonne partie du monument a fondu et s’est répandu partout. «Le plomb pèse très lourd et cela peut poser problème s’il se trouve à des endroits déjà fragilisés», indique Arnaud Timbert.

«L’impact est difficile à mesurer car nous n’avons jamais connu pareille situation. Il va sans doute falloir refaire toutes les voûtes.»

Quant à l’eau utilisée par les secours, elle peut «stagner dans des endroits qui d’ordinaire ne portent pas une telle masse et s’infiltrer dans des fissures», décrit Clément Salviani. «L’eau a dû diluer les joints en mortier qui permettent de tenir les pierres ensemble», ajoute Arnaud Timbert. De quoi déstabiliser des pans entiers de la maçonnerie. «Des voûtains se détachent, des nervures s’affaissent, les clés de voûte ne sont alors plus tenues et finissent par tomber. C’est probablement ce qui s’est produit dans la croisée du transept à la fin de la nuit», suppose Clément Salviani. «L’impact est difficile à mesurer car nous n’avons jamais connu pareille situation, note Arnaud Timbert. Il va sans doute falloir refaire toutes les voûtes.»

«Des études précises devront être menées pour mesurer l’impact du choc thermique sur la pierre et les mortiers, et celui de la dissolution de ces derniers par l’eau», précise Gilles Martinet de Aslé Conseil, entreprise spécialiste des matériaux du patrimoine. Mardi, l’architecte en chef chargé des travaux à la cathédrale Notre-Dame, Philippe Villeneuve, était sur place pour réaliser un premier diagnostic. Le chantier s’annonce en tous les cas colossal.

«Nous faisons face à une catastrophe archéologique qui risque d’être amplifiée par les chantiers de rénovation, craint Arnaud Timbert. Des matériaux vont être jetés alors que, depuis le Moyen Âge, les bâtisseurs remploient en permanence les matériaux des cathédrales antérieures ou endommagées. Cela pour des raisons économiques et surtout symboliques. Chez les chrétiens, la continuité de l’histoire se fait par la continuité de la matière.»

Cet article est publié dans l’édition du Figaro du 17/04/2019.
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Source: premium.lefigaro.fr

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