Notre-Dame : le général Jean-Louis Georgelin en mission


Notre-Dame : le général Jean-Louis Georgelin en mission:

LES NOUVEAUX BÂTISSEURS DE NOTRE-DAME (1/6) – Nommé «représentant spécial du président de la République», cet officier énergique va livrer la «bataille» de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Un proverbe et un précepte. La maxime est chinoise, sans auteur précis: «On ne construit pas sa maison en demandant leur avis à tous les passants.» La morale est peut-être corrézienne, en tout cas chiraquienne: «Une haie après l’autre.» C’est avec quelques
principes que le général progresse en terrain miné. Pour avoir longuement fréquenté le pouvoir, il sait que sa nomination a fait grincer pas mal de dents et que sa mission continue d’alimenter les dîners en ville. Entre Connaissance des arts et café
du commerce, pour s’indigner du «geste architectural», suggéré par le président pour la flèche ou, au contraire, s’extasier de sa fermeté résolue quand il a affirmé 24 heures après le sinistre: «Cette cathédrale, nous la rebâtirons en cinq ans.»

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Le général Jean-Louis Georgelin, le 19 juin au Palais de l’Élysée.
Le général Jean-Louis Georgelin, le 19 juin au Palais de l’Élysée. – Crédits photo : Jean-Christophe Marmara/LE FIGARO

Nous avions laissé Jean-Louis Georgelin un jour d’août 2016 à l’hôtel de Salm, qui abrite le siège de la Légion d’honneur,
en demandeur d’emploi. Le grand chancelier partait à la retraite (un vilain mot dans l’armée), le regrettait et le faisait savoir: «Faites passer le message. Je suis encore prêt à servir…» Trois ans plus tard, c’est sous les combles de l’Élysée, dans
un bureau (qui fut celui de Sylvain Fort, la plume de Macron mais aussi de Michel Charasse et de Maurice Ulrich), qu’on le retrouve. Même voix de stentor, même esprit vif, même langage fleuri pour lâcher quelques vacheries. Qu’on se le dise: le général
reprend du service, nommé «représentant spécial du président de la République» pour mener à bien le chantier du siècle.

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Le 16 avril dernier, la France se réveille à peine du cauchemar, soulagée de découvrir la cathédrale encore debout. Emmanuel Macron cherche, lui, un mouton à cinq pattes: une personnalité ayant l’habitude des responsabilités au plus haut niveau,
de l’autorité ; et qu’elle soit catholique pratiquante. Ce sera le général cinq étoiles Jean-Louis Georgelin, 67 ans, ancien chef d’état-major des armées, des commandements à la pelle (les chasseurs parachutistes, un bataillon de Saint-Cyr,
le 153e régiment d’infanterie de Mutzig, etc.), une affectation à l’état-major de l’Otan à Sarajevo et une foi bien chevillée au corps et à l’âme. À 18 heures, il est dans le bureau du président qu’il n’avait jusqu’alors que croisé
pour des remises de décorations lorsqu’il était grand chancelier de la Légion d’honneur. Fierté, honneur… Mission acceptée, fermez le ban. Au passage, l’officier d’infanterie souffle au chef de l’État l’idée de fixer l’horizon à cinq ans. Un «objectif
crédible», répète-t-il quand on le rencontre mi-juin, alors que le chantier avance, mais pourrait accuser du retard à cause des risques liés au plomb que l’Inspection du travail prend très au sérieux.

«Notre-Dame est d’abord un lieu de culte»

On peut tousser Rue de Valois (siège du ministère de la Culture), ricaner sur cette «grosse erreur de casting», le général est dans la place. Avec sa rugosité affichée qui cède bien volontiers au trait d’humour et sa volonté d’avoir le dernier mot. Il
faut l’observer, posté dans la salle des fêtes de l’Élysée pour la séance de photos, commentant le ballet des arrivées ce mercredi matin au Conseil des ministres. Tout le monde en prend pour son grade et l’officier ne baisse pas la voix quand passe
la ministre des Armées.

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Dans son bureau, des beaux livres, des DVD, des tableaux aussi, tous sur Notre-Dame. La cathédrale, la vraie, il y va pour des réunions de chantier, pour cette première étape, dite de «sécurisation et diagnostic». Là-bas, sur l’île de la Cité, les hommes
de l’art s’affairent, les robots déblaient les 200 à 300 tonnes de bois et de plomb tombés dans la nef. Suivront le démontage de l’échafaudage qui entourait la flèche et le platelage (la construction d’un plancher sous la voûte) au terme desquels
les experts pourront définitivement se prononcer sur la solidité de l’ensemble. «Viendront alors les deux décisions que tout le monde attend: quelle charpente et quelle flèche? Mais, comme disait le président Chirac: “Une haie…”Tout cela nous mènera
au printemps 2020.» Est-ce l’habitude de commander? Le verbe militaire sans chichis? Le chantier de Notre-Dame est bien résumé. Reste une étape à franchir: la création de l’Epic (établissement public industriel et commercial) qui, votée en juillet,
donnera au général son bâton de commandement et son état-major.

Trois mois après l’incendie, Notre-Dame est encore «en phase de sécurisation» – Regarder sur Figaro Live

Parmi les spécialistes consultés figure Jean-Marie Duthilleul, qui, en 2004, avait rénové le chœur de Notre-Dame à la demande du cardinal Jean-Marie Lustiger. Un architecte au franc-parler qui a confié à l’hebdomadaire La Vie : «L’Église catholique
ne peut pas se mettre au bord de la route et attendre bien sagement qu’on lui reconstruise sa petite boîte, dans laquelle elle mettra son petit Jésus!» Une exclamation qui aurait aussi bien pu être estampillée Georgelin. Car le «représentant spécial
du président de la République», qui est aussi membre de l’Académie catholique de France, l’affirme: «Notre-Dame est d’abord un lieu de culte.» C’est dit, tant pis pour ceux qui estiment qu’il s’agit surtout d’un monument historique, d’un lieu touristique.
Quitte à effacer 800 ans d’histoire.

«Il n’y a pas de touristes à Notre-Dame»

Mgr Michel Aupetit

Pour bien marquer l’empreinte cultuelle du lieu, les autorités ecclésiastiques et l’officier ont saisi l’occasion de l’anniversaire de la dédicace de la cathédrale. Le samedi 15 juin, casque blanc sur la tête, ils étaient une trentaine réunis dans
l’abside. Le général a lu l’Apocalypse de saint Jean avant que Mgr Michel Aupetit enfonce le clou dans son homélie: «Oui, cette cathédrale est un lieu de culte, c’est sa finalité propre et unique. Il n’y a pas de touristes à Notre-Dame
(…).»

Que le chantier «roule jusqu’au bout»

Chaque mot est pesé pour cette bataille de communication déjà engagée autour de l’édifice entre l’État, le ministère de la Culture, la direction régionale des affaires culturelles, la Mairie de Paris et, bien sûr, l’archevêché, affectataire des lieux.
Pas question de céder un pouce de terrain. L’histoire de France et ses relations tumultueuses avec le sacré n’ont jamais quitté le joyau de l’île de la Cité. Un passé que le général connaît. Ce qu’il montre bien volontiers: «Le 16 novembre 1918,
il y eut un Te Deum à Notre-Dame. Vous imaginez quatre ans de guerre, mille morts par jour… Eh bien, à cause de la séparation des pouvoirs, le président Poincaré ne put y assister. Il y envoya sa femme.»

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«Il faut un regard extérieur et, ce regard, c’est moi !»

Le général Jean-Louis Georgelin

Façon de dire à ceux qui pourraient le prendre pour «une brute inculte, un casque à boulons» qu’il n’en est rien. Et de renvoyer à leurs dossiers et intrigues ceux «dont le rôle est en principe de conserver un monument intact». Qui le général a-t-il dans
le viseur? «On ne peut pas tout mettre sur le dos de la Rue de Valois, mais on peut les inviter à faire preuve d’une certaine modestie. Cet incendie n’aurait jamais dû avoir lieu. Notre-Dame ne leur appartient pas. Il faut un regard extérieur et,
ce regard, c’est moi!»

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En attendant d’être vraiment à pied d’œuvre, Jean-Louis Georgelin assure tout préparer pour que le chantier, qu’il compare à un train en mouvement, «roule jusqu’au bout». Son pire cauchemar? «Que Le Figarovienne m’interroger tous les jours!» Après
la boutade, la réponse réfléchie: «Un événement qui conduirait à arrêter le chantier.» Et, pour l’heure, c’est le plomb qui le préoccupe.
Avant d’entrer un jour dans Notre-Dame pour une «cérémonie somptueuse de remise au culte», l’enfant d’Aspet, près de Saint-Gaudens (Haute-Garonne), retournera peut-être à la basilique Saint-Sernin ou à la cathédrale Saint-Étienne, dans ce Toulouse
que, petit garçon, il trouvait déjà immense, avant de découvrir, «ébloui», Paris. Mais de tous ces édifices, c’est l’abbaye du Thoronet, en Provence, qu’il préfère, pour cet «art pur, simple, dépouillé» qu’est l’art cistercien.

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