Ces parents qui veulent croire que leur enfant est surdoué


Ces parents qui veulent croire que leur enfant est surdoué:

Ils expliquent les difficultés de leur progéniture par la précocité intellectuelle. Une idée erronée mais qui rassure.

«Je n’en peux plus. La moitié des parents sont convaincus que leur enfant est surdoué»,
raconte cette professeur des écoles, qui enseigne depuis cinq ans en maternelle dans un établissement privé et huppé de l’Ouest parisien. Ils demandent des noms de psychologues pour faire passer des tests de QI, achètent des méthodes de lecture
dès 3 ou 4 ans «parce qu’il a besoin d’être nourri intellectuellement» ou réclament un saut de classe «pour des enfants qui sont dans la moyenne de leur âge en termes de comportement et d’attention», s’étonne-t-elle. Cela
«empire à l’école primaire puis au collège», renchérit une autre enseignante du même établissement, un âge où «les enfants insupportables ou en difficulté scolaire sont souvent présentés comme précoces par leurs parents».

Confrontés aux multiples légendes entourant les surdoués, prétendument affublés par certains psychologues médiatiques d’une «pensée en arborescence» ou d’une «hypersensibilité», les praticiens de la revue scientifique Anae (Approche neuropsychologique des apprentissages chez l’enfant) se sont mobilisés l’an dernier lors d’un numéro «Mise au point» sur les hauts quotients intellectuels. Pour exprimer leur ras-le-bol. Jusqu’au début des années 1980, y rappelle-t-on, les publications scientifiques sur les surdoués étaient
quasiment inexistantes, tout comme les réflexions sur les mesures à l’égard des enfants concernés. L’institution scolaire française s’y opposa même. Contrairement à ce qui existait dans d’autres pays, elle craignait de creuser les inégalités.

Il est possible de présenter un trouble durable dans les apprentissages et, concomitamment, un haut potentiel intellectuel. L’un n’exclut pas l’autre ; ils ne sont pas pour autant corrélés

Nicolas Gauvrit, psychologue et mathématicien, chercheur au labora­toire Cognitions humaine et artificielle

Peu à peu, la précocité intellectuelle n’a plus été mise en avant en France comme une richesse mais a progressivement été associée – dans les médias notamment – à des difficultés, des troubles, des pathologies, des spécificités plus ou
moins handicapantes. Parallèlement, depuis une dizaine d’années, on assiste à une multiplication d’ouvrages grand public, diffusant des informations souvent non vérifiées. Avec des conséquences potentielles comme celles de ne plus
être pris au sérieux, de stimuler des actions éducatives ou pédagogiques non appropriées, de desservir la cause des personnes concernées et d’attirer, de manière illusoire, vers ce concept prometteur, de nombreux enfants en difficultés
psychologiques, sociales ou scolaires pour lesquels la question du haut potentiel n’est pas pertinente.

«Enfants handicapés»

«Il est possible de présenter un trouble durable dans les apprentissages et, concomitamment, un haut potentiel intellectuel. L’un n’exclut pas l’autre ; ils ne sont pas pour autant corrélés», explique Nicolas Gauvrit, psychologue
et mathématicien, chercheur au laboratoire Cognitions humaine et artificielle (École pratique des hautes études). Ce dernier considère malgré tout que les hauts potentiels peuvent et doivent faire l’objet, comme c’est le cas dans
de nombreux autres pays, comme Israël ou les États-Unis, de mesures et programmes éducatifs spécifiques.

Heureusement, «on revient dans la norme mondiale», poursuit-il. Le vade-mecum de l’Éducation nationale concernant les surdoués vient ainsi d’être révisé cette année. Il expliquait auparavant aux enseignants qu’il fallait bien
leur expliquer et répéter les consignes ou encore les rassurer sur leurs compétences «comme s’il s’agissait d’enfants handicapés», s’étonne encore Nicolas Gauvrit.


Les tests de QI sont-ils fiables?

Les tests de QI, pratiqués depuis un siècle, mesurent l’efficacité du fonctionnement mental d’une personne. Plusieurs données y sont mesurées: la vitesse, la mémoire, les capacités langagières, la
logique et la capacité de raisonnement. Il s’agit en quelque sorte d’établir une «moyenne générale» comme à l’école, mesurant ces résultats sans distinguer les disciplines. Ils ne mesurent pas la créativité, l’intelligence émotionnelle
ou la persévérance dans l’effort mais ces tests sont néanmoins considérés comme fiables si l’on cherche à mesurer une sorte de puissance mentale globale.

De fait, les scores de QI prédisent les résultats scolaires et académiques, tout comme la réussite dans le milieu professionnel. Le facteur génétique est important. Le QI est en grande partie héritable. Mais l’influence de l’environnement
est également très importante. Les forts QI existent dans tous les milieux mais les enfants à haut potentiel sont par exemple «surreprésentés dans les milieux favorisés» qui les stimulent davantage, observe le chercheur Nicolas
Gauvrit. Ces enfants ont par exemple souvent un vocabulaire particulièrement riche.

Ce test peut être utile pour différencier une personne avec retard mental et qui a du mal à lire pour cette raison, et une personne dyslexique avec un QI moyen ou supérieur. Les médecins n’envisageront pas le même accompagnement éducatif.

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