Aux États-Unis, le démantèlement imparfait d’AT&T


Aux États-Unis, le démantèlement imparfait d’AT&T:

En 1984, afin de stimuler la concurrence, le département américain de la Justice avait obtenu qu’AT&T se sépare de plusieurs de ses filiales.

Avec quarante-cinq années de recul, l’urgence d’un démantèlement de l’opérateur télécoms AT&T semble évidente. Pour obtenir une ligne de téléphone, il fallait être client d’AT&T. Il n’y avait pas d’alternative. Pour acheter un téléphone, il fallait
aussi se fournir auprès d’une filiale d’AT&T, du nom de Western Electric. Surnommée «Ma Bell», la société fondée par l’inventeur du téléphone, Alexander Graham Bell, était propriétaire et exploitante unique du réseau américain.

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En 1974, sous une Administration républicaine, le département de la Justice a invoqué la loi Sherman contre les monopoles. Le procès ne s’est conclu par un accord à l’amiable qu’en 1982. Cette année-là, le juge Harold Green a validé les termes du démantèlement
effectif du monopole à partir du 1er janvier 1984. Toute éventuelle procédure de démantèlement contre les Gafa promet d’être encore plus longue, car plus complexe.

Afin de stimuler la concurrence, l’innovation et pour faire baisser les prix, le département de la Justice a finalement obtenu qu’AT&T se sépare de plusieurs de ses filiales et soit éclatée en sept  opérateurs régionaux («baby Bells»). À
partir de 1984, les Américains ont pu choisir leur opérateur téléphonique à longue distance, mais sont restés dépendants des «baby Bells», monopoles régionaux.

Si AT&T était restée un monopole, l’innovation technologique et commerciale aurait été moins rapide

AT&T, confinée aux services longue distance, s’est retrouvée en concurrence avec de nouvelles sociétés aux réseaux modernes de fibre optique comme Sprint et MCI. Les prix régulés du raccordement au réseau local n’ont pas baissé, mais les prix des
communications à travers les États-Unis ont plongé.

Au même moment, l’innovation technologique a changé le paysage concurrentiel d’une manière que les partisans du démantèlement d’AT&T n’avaient pas imaginée. En 1983, le «baby Bell» Ameritech a lancé le premier service de téléphonie cellulaire, précurseur
de la téléphonie mobile. Plusieurs autres ont suivi. La même année, Arpanet, fondée par le Pentagone en 1969, adoptait une nouvelle technologie de transfert de données sur les réseaux qui servirait de fondation à Internet. Dans le même temps florissaient
les câblo-opérateurs qui par la suite sont devenus leaders d’Internet à haut débit, autre développement que personne n’aurait pu imaginer en 1974.

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Sous la pression des nouveaux arrivants, les «baby Bells» se sont regroupées, une tendance, là encore, pas du tout imaginée initialement. Bell Atlantic a fusionné avec Nynex, puis GTE, pour donner naissance à Verizon, aujourd’hui premier opérateur américain
de téléphonie mobile. Les autres «baby Bells» se sont agrégées autour de Southwestern Bell. Comble de l’ironie, cette dernière a fini par racheter AT&T en plein déclin. La «baby Bell» devenue grande a choisi le nom d’AT&T pour rivaliser avec
Verizon, dans un environnement nouveau où les lignes fixes sont devenues obsolètes.

La déréglementation aux États-Unis a échoué dans la mesure où les prix des abonnements restent élevés par rapport à la norme européenne

Si AT&T était restée un monopole, l’innovation technologique et commerciale aurait été moins rapide. Le vieux monopole a aussi été contraint de commercialiser les technologies nées de Western Electric et de ses anciens laboratoires, Bell Labs. De
cet acquis est né Lucent Technologies en 1996. La firme fusionna avec le français Alcatel dix ans plus tard, avant d’être avalée par Nokia en 2016.

La déréglementation aux États-Unis a échoué dans la mesure où les prix des abonnements restent élevés par rapport à la norme européenne. Verizon et AT&T se partagent 70 % du marché, ce qui freine la baisse des prix en dépit d’offensives venues
de T-Mobile US et Sprint. En revanche, les marges élevées des opérateurs permettent des investissements massifs à l’échelle d’un continent, notamment pour déployer la 5G.

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